Assurance dommages : quand le climat fait exploser la facture des Français

Avec 5 milliards d’euros de sinistres climatiques en 2024 et des primes en hausse de 8 à 10%, les assurances dommages subissent de plein fouet le réchauffement climatique. Entre dégâts des eaux qui se multiplient et catastrophes naturelles qui s’enchaînent, les particuliers se retrouvent pris entre deux feux : des cotisations qui s’envolent et une protection devenue indispensable.

Par la rédaction, publié le 18 octobre 2025

Les chiffres donnent le vertige. L’année 2024 restera dans les annales comme l’une des plus coûteuses pour le secteur de l’assurance dommages. Les événements climatiques ont coûté 5 milliards d’euros aux assureurs, tandis que les primes d’assurance habitation ont grimpé de 8 à 10% en un an. Une double peine pour les Français qui voient leurs cotisations augmenter au moment même où les risques se multiplient.

Le réchauffement climatique n’est plus une simple projection. Il frappe désormais directement les portefeuilles. La tempête Kirk, le cyclone Chido, les inondations dans le Nord : 2024 a été marquée par une succession d’événements météorologiques exceptionnels. Et ce n’est qu’un début. Selon les projections de la Caisse Centrale de Réassurance, la sinistralité liée aux catastrophes naturelles devrait bondir de 40% d’ici 2050.

Les dégâts des eaux règnent en maître sur le sinistre quotidien

Premier constat qui frappe : les dégâts des eaux représentent désormais 43,7% de l’ensemble des sinistres déclarés en 2024, soit près de 2 millions de cas. Une hausse spectaculaire de 18% en un an seulement. Chaque jour, plus de 4 160 dégâts des eaux sont déclarés aux assureurs. Canalisation qui lâche, toiture qui fuit, machine à laver défaillante : les causes sont multiples mais les conséquences toujours pénibles.

Ce boulanger parisien que nous avons rencontré témoigne de son calvaire. Après une fuite provenant de l’appartement du dessus, il a dû fermer boutique pendant trois semaines, le temps que les travaux de réparation soient effectués. L’eau avait détérioré le plafond, endommagé le système électrique et rendu les locaux impraticables. La facture : près de 15 000 euros de dommages. Heureusement couvert par son assurance multirisque, il a tout de même dû avancer la franchise de 500 euros et supporter un préjudice commercial important.

Les régions les plus exposées paient le prix fort. D’après les données de cabinets d’expertise, les Hauts-de-France et la Corse concentrent 18% des sinistres chacune. En cause : une exposition particulière aux orages violents et aux tempêtes répétées. L’ancienneté des bâtiments joue également un rôle déterminant. Dans les immeubles dotés de canalisations non visibles, repérer l’origine d’une fuite relève souvent du parcours du combattant.

Quand les catastrophes naturelles deviennent la nouvelle normalité

Au-delà des sinistres du quotidien, ce sont les catastrophes naturelles qui font flamber les coûts. Les assureurs ont versé 2,4 milliards d’euros d’indemnisations pour les seuls dégâts des eaux en 2024. Mais le poste le plus préoccupant reste celui des événements climatiques extrêmes. Sécheresse, inondations, submersions marines : la liste s’allonge d’année en année.

La sécheresse géotechnique, ce phénomène qui provoque le retrait-gonflement des argiles et fissure les habitations, explose littéralement. Son coût a atteint 3,5 milliards d’euros en 2022. Un chiffre vertigineux qui reflète l’intensité croissante des périodes de sécheresse. Entre 1982 et 2023, le régime des catastrophes naturelles a coûté 51,5 milliards d’euros au total, soit 1,34 milliard d’euros par an en moyenne. La sécheresse et les inondations représentent à elles seules 91% de cette facture.

Face à cette réalité, le gouvernement a dû adapter le régime d’indemnisation. Depuis janvier 2025, les taux de cotisation pour la garantie catastrophes naturelles ont été relevés de manière significative. Pour les contrats d’assurance habitation, le taux bondit de 12 à 20% sur les cotisations dommages aux biens. Pour les véhicules, il passe de 6 à 9% sur les garanties incendie et vol. Une augmentation indispensable pour pérenniser le système français d’assurance des catastrophes naturelles, selon les autorités.

Une professeure de géographie installée en banlieue lyonnaise nous confie son inquiétude. Sa maison individuelle a subi trois épisodes de fissures liées au retrait-gonflement des argiles en cinq ans. À chaque fois, l’expertise, les travaux, les mois d’attente. Son assurance a pris en charge les réparations, mais sa prime annuelle a grimpé de 35% en trois ans. Elle redoute désormais qu’à force de sinistres répétés, sa zone devienne tout simplement inassurable.

Les prix s’envolent et les garanties se durcissent

Cette inflation des sinistres se répercute directement sur les cotisations. La prime moyenne d’un contrat multirisque habitation a atteint 299 euros en 2024, hors taxes. Nice reste la ville la plus chère avec des primes dépassant largement cette moyenne, tandis que Rennes conserve sa position de ville la plus abordable. Mais partout, la tendance est à la hausse.

Pour les dégâts des eaux, la prime pure — le coût réel du risque pour l’assureur — s’établit à 53 euros. C’est la garantie la plus coûteuse devant les incendies à 44,60 euros. Ces montants peuvent paraître modestes, mais ils reflètent une réalité : les dégâts des eaux ont un coût moyen unitaire de 1 200 euros, tandis qu’un incendie peut dépasser 12 000 euros et une catastrophe naturelle 9 600 euros.

Le secteur de la construction n’échappe pas à cette spirale inflationniste. L’assurance dommages-ouvrage, obligatoire pour tout maître d’ouvrage entreprenant des travaux, coûte entre 3 500 et 4 000 euros en moyenne pour une construction neuve, soit 2 à 4% du montant total des travaux. Cette assurance garantit le préfinancement rapide des réparations en cas de malfaçons relevant de la garantie décennale, sans attendre qu’une responsabilité soit établie.

Un électricien installé à Toulouse qui rénovait sa maison nous raconte sa mésaventure. Après la réception des travaux d’extension, des infiltrations d’eau sont apparues au niveau de la jonction entre l’ancien et le nouveau bâti. Grâce à son assurance dommages-ouvrage, il a pu faire intervenir rapidement des experts et engager les réparations nécessaires sans attendre la fin d’une longue procédure contentieuse. Le montant des travaux de réparation : 18 000 euros, entièrement pris en charge.

Des mécanismes qui protègent mais à quel prix

Le système français d’assurance des catastrophes naturelles repose sur un principe de solidarité nationale. Chaque contrat d’assurance habitation ou automobile comporte obligatoirement une garantie catastrophes naturelles, financée par une surprime. C’est la Caisse Centrale de Réassurance qui garantit ce système avec l’appui de l’État. Entre 1982 et 2024, ce régime a indemnisé 3,6 millions de sinistres non automobiles.

Cette architecture permet une prise en charge relativement rapide des sinistrés. Après la déclaration d’état de catastrophe naturelle par arrêté ministériel, les victimes disposent de dix jours pour déclarer leur sinistre à l’assureur. L’indemnisation intervient généralement dans les trois mois suivant la remise de l’estimation des dommages. Un délai qui peut paraître long pour les familles contraintes de quitter leur logement, mais qui reste plus rapide que dans de nombreux autres pays.

Pourtant, tout n’est pas couvert. Les infiltrations lentes dues à un défaut d’entretien, les moisissures causées par un excès d’humidité : ces désordres ne relèvent pas de la garantie dégâts des eaux. De même, certains territoires particulièrement exposés pourraient devenir difficilement assurables à l’avenir. Un Observatoire de l’assurabilité verra le jour en 2025 pour identifier précisément ces zones à risque.

Entre 1950 et 2000, la France enregistrait en moyenne un événement naturel très grave par an. Entre 2001 et 2023, ce chiffre est passé à quatre par an. La multiplication par quatre en deux décennies illustre l’ampleur du défi. Dans ce contexte, les assureurs jonglent entre leur mission de protection et leurs contraintes économiques, tandis que les assurés voient leurs budgets grignotés par des primes toujours plus élevées pour des risques devenus quotidiens.